Sergio Moscona | Entre les lignes

« Avec ce sens du tragique qui a si souvent illuminé l’âme hispanique, et notamment celle du Siècle d’or – du roman picaresque avec le Lazarillo de Tormes ou de La vie est un songe de Calderón de la Barca –, Sergio Moscona surgit dans le monde de l’art d’aujourd’hui en flamboyant météore qui n’a pas fini de jeter ses lueurs, fussent-elles parfois crépusculaires, ironiques ou sardoniques. La trentaine, le jeune peintre argentin pourrait, à l’image de Sigismond, le héros du dramaturge, déclarer : « La vie, c’est ce songe que je fais à présent. » L’homme, on ne peut en douter, le fascine ; cet infiniment petit plongé au sein de l’infinitude, Moscona n’en finit pas, au prix d’une insolente authenticité, sans complaisance, se refusant au jeu de la séduction, de frayer un chemin dans la multitude et le fracas, le dépouillement et les mutilations – corps et âmes –, d’aborder des êtres imbriqués qui s’étreignent, se disputent un espace où ils semblent inexorablement confinés ; des hommes saisis dans leur désolante incomplétude, aux visages graves, comme griffés, sillonnés de traits, de sillons de vies superposées, strates d’un passé révolu dont on ne peut guère espérer la moindre grâce. Dans une série d’encres acryliques sur papier intitulée Les architectes de la parole, une singulière élévation de corps enlacés, la Babel hautement symbolique ne dit rien qui vaille, sinon l’aventure dérisoire d’une humanité en quête de la parole perdue, d’un amour irrémédiablement éperdu ; Babel aurait-elle fini de hanter les hommes ? Selon l’astrophysicien Stephen Hawking : « Il n’est pas nécessaire d’invoquer Dieu… L’Univers peut, et s’est créé lui-même à partir de rien. La création spontanée est la raison pour laquelle il y a quelque chose plutôt que rien, la raison pour laquelle l’Univers existe et nous existons. » Florent Founès