Florian Sumi | Membrains

« Une ligne de 72 figures nous entoure, le regard fixe. Chacune d’entre elles modèle le visage d’un humain ou d’une entité spirituelle ayant manipulé consciemment ou intuitivement des champs magnétiques, de l’énergie, que l’on peut également nommer échanges d’informations. La fée Morgane y côtoie la docteur Jade Allègre, Thot, le dieu de la Lune, ou encore William C. Levengood, le célèbre faux biophysicien et véritable ufologue. Pour sa première grande exposition en institution, Florian Sumi énonce ce qui innervait l’ensemble de son travail, ce qui animait ses danses et ses gestes, dirigeait ses schémas et ses artefacts, mais qui était resté, jusqu’à présent, informulé ; à savoir cette conscience aiguë des flux qui nous traversent, de ces voies de communication numérique, organique, sensuelle, cellulaire et psychique, que nous utilisons chaque jour. Au milieu, un bureau de métal et de minéraux, un cabinet de bain de pieds, des horloges manuelles dont la main doit actionner les poulies, et un laboratoire domestique fabriquant des micro-organismes par fermentation. Car c’est d’usage dont il est question. Peut-être que la croyance importe, mais ce que l’on observe avant tout est le phénomène lui-même. Il se révèle dans les représentations de ces ondes en nous et autour de nous. Les formes se télescopent, des diagrammes de Spooky, la machine qui soigne par fréquence, aux runes animées qui se trémoussent, sans oublier les imageries artificielles de cellules en pleine activité. Et, tout autour de nous encore, des voix et des images enflent, s’adoucissent, pénètrent onctueusement nos tympans. Il y a la voix hypnotique d’Emma, qui pratique la magie blanche, celle rapportée de Marcel, qui transmet le secret de l’Univers, ou la voix autoritaire de Fiona qui lit le système du monde en unissant Darwin et l’animisme ancien. Et il y a la voix de Florian. Il nous répète ces phrases, qu’une cellule heureuse est une cellule qui communique, rend ses membranes poreuses et s’ouvre à l’altérité pour s’enrichir en échangeant de nouvelles informations. Biologiquement, la formule de la croissance est l’échappée vers l’autre. A la manière d’un savant fou, Florian Sumi doute, teste et surtout produit de somptueuses machines d’expérience – esthétique, scientifique, anthropologique –, dont il nous appartient de déterminer la lecture. » Céline Poulin, directrice du CAC Brétigny et commissaire de l’exposition. (Avec avec Emma Balimaka, Adrien Cruellas et Dragovan) Visuel : Chiquitet Arelich Vomalites, Florian Sumi, 2018. Photo courtesy galerie Escougnou-Cetraro.