Eugène Leroy et Sarkis | Intérieurs

En invitant le peintre Eugène Leroy (1910-2000) dans un accrochage qu’il a conçu et mis en scène, Sarkis confronte son travail à celui du maître dont il considère l’œuvre comme absolument indispensable. Si cette dernière a bénéficié d’une attention croissante ces 20 dernières années auprès de la scène contemporaine internationale, Sarkis déplore que le génie du peintre ne soit pas encore reconnu sans détours comme l’une des figures artistiques les plus importantes du XXe siècle. Aussi complexe que le corps d’un tableau d’Eugène Leroy, l’exposition présente ici un ensemble d’une quarantaine d’œuvres et a véritablement été pensée comme un intérieur - un banc, des étagères et des verres d’eau sont disposés dans chaque pièce de la galerie. L’exposition évoque d’abord la notion d’accumulation qui se manifeste diversement chez les deux artistes. Chez Eugène Leroy, elle émerge de la géologie de la matière qui s’accumule sur la toile, évoquant le corps du peintre qui sculpte la densité de la peinture à l’huile et fait surgir les figures représentées. C’est toujours cette même matière, sans corps étranger invasif, sans farces et sans manières qui se donne à voir complètement, comme agrégat signifiant. Véritables trésors, comme de grandes Ikones où toute la matière constitutive est nécessaire, ces peintures jalonnent l’espace comme des bornes, des repères sensoriels dans l’accrochage de Sarkis. Point de digressions non plus dans l’accumulation d’œuvres aux techniques différentes dans l’œuvre de Sarkis. Le Film N°171 «pour Eugène Leroy» est réalisé sans montage, tandis que les huiles sur papier laissent croître sous nos yeux la tâche d’huile qui s’imprègne, modifiant progressivement l’aspect et la couleur, façonnant l’œuvre sans notion d’une quelconque durée déterminée. Point d’artifices non plus ni de systématismes, tout est simplement à découvert avec bienveillance et une certaine quiétude, dans la multiplicité des médias que l’artiste emploie dans Intérieurs ; notamment avec des vitraux touchés, du bois doré à la feuille et des bandes magnétiques, des néons, des céramiques en Kintsugis, des impressions sur papier, etc. Alchimistes dans l’antre de leurs ateliers, lieux de repli, de recharge, de concentration (Sarkis reproduit d’ailleurs ici celui d’Eugène Leroy), les deux artistes portent une attention décisive à la perception de la lumière, comme clé de voûte de leurs représentations. Chacune à leur manière, ces œuvres témoignent de profonds humanismes qui se révèlent, en ces périodes troubles, remarquablement nécessaires. Visuel : Pour Eugène Leroy, film n°171 (arrêt sur image), Sarkis, 2017. 09’09’’, tourné le 17/4/2017 dans l’atelier de Sarkis, à Villejuif.