Dan Aucante | Le temps des grenadines

Avec "Le temps des grenadines" Dan Aucante nous invite à découvrir un travail au long cours, mené depuis 2004 avec la complicité de son fils aîné. C’est donc le "Chapitre 1" d’une trilogie à la fois intime et universelle que l’auteur dévoile dans la galerie parisienne de Patrick Gutknecht. Tout au long de ces années - et ce travail se poursuit encore actuellement - le photographe a tenté de capter l’essence de l’enfance, en observateur attentif de son garçon, mais aussi en effectuant un retour sur sa propre enfance. Il délivre ici une vision hors du temps, dans une unité de lieu qui reste indéfini, rendue tangible et touchante notamment par les très délicats tirages argentiques qu’il a lui même réalisés. Dans cette première appréhension de l’enfance, l'artiste s’est plus particulièrement attaché à ses signes, symboles et secrets. L’incarnation physique de son fils y est encore peu présente et c’est au final l’écho des souvenirs de ses propres jeunes années qui répond aux jeux et rites qu’il saisit de son propre enfant dans le viseur de son appareil. Nous voyageons dans deux temporalités enchevêtrées et perdons peu à peu le contact avec une réalité objective. Il malaxe l’enfance comme une matière première qu’il fait sienne. Puis il nous la donne la possibilité de se l’accaparer, d’y agréger nos propres histoires d’enfance, imaginaires ou réelles. Ses images ont vocation d’universalité, mais restent à distance des clichés et des effets liés à la thématique de l’enfance : s’il est bien question de jeux (voitures modèles réduits, batailles de petits soldats), d’insouciances (l’éternité supposée du temps des vacances), de découvertes (cabanes et châteaux forts), d’expérimentations (courses d’escargots), il plane pourtant au cœur de ces tirages une légère et sourde angoisse. Celle, inconsciente pour son fils, mais prégnante pour lui, du temps qui passe, de la fragilité de ces instants, de la marque que ceux-ci vont imprimer sur une vie entière. Il témoigne, entre mises en scène et instants saisis au vol, du caractère ô combien précieux des premières années de l’existence. Il intervient comme un véritable archéologue de son enfance, révélant les différentes strates qui constituent les fondations de son propre parcours. Il exprime ainsi combien l’enfance est à la fois volatile dans sa durée, mais indélébile dans ce qu’elle constitue au plus profond de chacun d’entre nous. Comment elle explique, sinon conditionne, nos chemins de vie à tous, nos choix, nos forces et nos faiblesses. Le regard paternel, bienveillant et protecteur, se superpose toujours en filigrane plus ou moins prononcé à l’ensemble de ce corpus visuel. Mais c’est un regard libre et curieux. Observateur et spectateur. Les questionnements du père oscillent : comment et jusqu’où intervenir ? Quelle liberté laisse-t-on à son enfant pour qu’il fasse son propre chemin, qu’il évite les traumatismes et les douleurs dont on a soit même été victime, enfant, et qui se révèlent particulièrement dans notre comportement de « grande personne ». Visuel : Le temps des grenadines © Dan Aucante