Claire-Jeanne Jézéquel | Liquid(e)space

La galerie Jean Fournier a le plaisir de présenter la deuxième exposition personnelle de Claire-Jeanne Jézéquel constituée d’un ensemble de travaux récents : encres sur papier ; encres et peintures sur (et sous) verre ; reliefs muraux sur carton ou papier calque, ces derniers à la frontière entre sculpture, collage et peinture. Outre le recours au papier, ces différents travaux ont en commun plusieurs « motifs » : l’effacement (formes géométriques délavées au cœur des taches d’encre), la lacune (découpes qui percent des ouvertures au travers du support ou contours brisés), l’image absente (contours noirs des bandes de calque à l’image d’un film voilé, à la lumière des films expressionnistes) ou impossible à saisir (reflets mouvants et flous sur les surfaces en aluminium), l’élément liquide (tâches, coulures) ressaisi par la géométrie de la structure, les bords ou les lignes métalliques qui organisent la surface, la transparence des superpositions de verre ou de calque. Dans les reliefs et les encres sur verre les éléments s’assemblent en créant des « faux-raccords », des fragments recomposés, et partout la géométrie est contestée par les aléas de la couleur qui est répandue, coulée plutôt que peinte, ou du matériau qui s’affaisse, se brise, se plie ou se superpose. De façon paradoxale, les constructions de l'artiste ont comme principe le déséquilibre, l’instabilité. Le monde qu’elle nous propose de vivre est fait d’écarts, de décalages, d’oppositions et, à la manière du free rock ou du jazz, défie l’immobilité et cherche le rythme et l’intensité. Depuis les années 1990, Claire–Jeanne Jézéquel mène une réflexion sur la sculpture aux lisières du dessin et de l’architecture, tant par la réinterprétation des matériaux habituellement utilisés dans la construction de bâtiment que par le dialogue constant avec l’espace investi. Son travail dialogue avec une histoire de la sculpture, des constructivistes russes des années 1920 à l’art minimal américain des années 1960, sans oublier les aventures personnelles comme celles de Eva Hesse ou Lygia Clark. Son emploi de la couleur par « teinture » plutôt que peinture peut également renvoyer au champ pictural des années 1970 (Support-surfaces ou BMPT). La relative austérité et le prosaïsme des matériaux qu’elle emploie sont sans cesse détournés vers une certaine sophistication : reflets, transparences, superpositions que l’on retrouve dans les séries récentes avec l’usage de l’aluminium, du calque et du verre. Dans les reliefs muraux, la rectitude des barres métalliques s’oppose à la souplesse du calque ; dans les papiers, la fluidité des encres coexiste avec les lignes tracées à la règle. Mais c’est sans doute dans les œuvres sur (et sous) verre qu’elle renouvelle plus franchement l’esprit de sa création. Elle y combine plusieurs matériaux en se jouant de l’ambivalence de leurs propriétés : transparence et opacité ; fragilité et rudesse. Par la découpe, la superposition et la juxtaposition de plusieurs matériaux (papier, verre, encres, ruban de plomb), elle crée des œuvres murales, entre peinture, sculpture et dessin, comme elle l’affirmait déjà en 2012 dans un entretien avec Joëlla Larvoir en 2012 : « ce tressage entre le dessin et la sculpture existe pratiquement depuis le début de mon travail. Le dessin dans la sculpture ou la sculpture qui fait dessin". Visuel : Sans titre, 2017 encre de Chine et aluminium sur carton bleu, (67 x 175 cm).