Matt Bollinger | Humeurs Noires

Si Paris est la seule ville du monde où le fleuve coule entre deux bibliothèques, pour Matt Bollinger la bibliothèque et le bouquin sont les figures emblématiques de sa peinture en cours. C’est dans une périphérie urbaine américaine que l’artiste plasticien plante son chevalet, le Livre en support d’investigation. Plus qu’un tunnel d’évasion pour l’imaginaire, l’objet livresque, médium salvateur, valide un pont tendu entre le peint et l’écrit. Ce peintre new-yorkais né en 1980 auréole son œuvre d’une étrange beauté romantique, sorte d’enchantement spleenétique, fleurs du mal effeuillées à effet de camouflage énigmatique. Son travail renvoie pourtant l’état d’être d’une jeunesse qui éprouve — dans un grand vide culturel et en constat de société — les effets d’un marasme économique remontant à plus d’une décennie. La touche du pinceau de Matt Bollinger — dans une sorte de squamule indéfinissable — accuse sa vision du monde, l’habillant de lamelles peintes déchirées. Sa technique en parqueterie de papiers collés répond à la vie de ses modèles et reprend leur théâtre de vie, formulation lacérée comme la crise qui les frappe. Ces portraits d’ados et de jeunes adultes sont collés à jamais au support gouaché où ils sont nés. A l’âge fébrile où l’avenir devrait les appeler, ici rien à offrir pour décoller.